mardi 8 mars 2016

En route pour le purgatoire !

Aujourd'hui, on est le lendemain d'hier. Vous y aviez pensé, à ça ?

En ce moment, je dors beaucoup. Comparativement aux deux semaines précédentes, où mon temps de sommeil variait entre deux et moins de cinq petites heures, je dors beaucoup. En somme, je dors un peu plus de cinq heures. Je dors profondément. Je ne me sens pas réellement fatiguée. Mais quand je me réveille, j'ai toujours l'impression de revenir de loin, l'impression d'avoir vécu pendant mon sommeil quelque chose de très intense... de très réel.
La plupart du temps, je me souviens de mes rêves. Mais je ne les consigne pas dans mon cahier avec les autres, comme avant. Ils se passent toujours la même chose. Je revis toutes les nuits le même cauchemar. Le même, mais différent. C'est toujours plus réel. Toujours plus douloureux. Toute la journée, je m'efforce de me vider l'esprit. Et puis le soir, malgré la fatigue, j'ai peur de m'endormir, parce que je sais que mon subconscient va s'empresser de me remplir la tête de tout ce que je me suis efforcée de garder à distance. Une nouvelle flèche va venir transpercer mon cœur. Je me rassure comme je peux : je me dis qu'au bout d'un moment, il n'y aura plus de place pour qu'une énième vienne s'y loger. Je me dis qu'un jour viendra où ça arrêtera d'aller de pire en pire. Et puis, quand j'ai envie de pleurer, j'essaye de penser à quelque chose de complètement futile; quelque chose qui me fera sourire sans raison.

Vendredi dernier, il pleuvait. Une petite pluie toute hésitante, le genre de pluie que je n'aime pas. S'il ne fait pas sec, je préfère carrément que l'orage se pointe et éclate. Comme pour le reste, j'aime être dans l'excès. Mais vendredi, je ne sais pas pourquoi, alors que je me sentais submergée par une vague mélancolie, j'ai levé la tête sous la pluie et j'ai laissé les gouttes couler sur mon visage. Puis je me suis mise à sauter par-dessus les flaques d'eau, toute seule, jusqu'au bout de la rue qui va jusqu'au lycée. Je ne saurais dire pourquoi, ça m'a remplie de joie, un bref instant.

Elle avait le visage triste et le regard vague d'une démente
qui s'illuminait ponctuellement d'un rire débile.
Sugar Skull by Julie Filipenko

Hier matin, j'ai été tirée de mon sommeil par le bruit de la porte qui s'ouvrait - ma poignée se classe tout en haut de la catégorie Discrétion, dans ton cul ! C'était ma mère. Généralement, il me suffit de l'entendre ouvrir le volet dans la pièce voisine pour me réveiller. Hier, il a fallu attendre qu'elle ait abaissé la poignée. Encore une fois, en ouvrant les yeux, j'ai eu la sensation de revenir de très loin. Mais c'était différent. Mon rêve essayait de me retenir, quand bien même je ne voyais plus que le noir de mes paupières fermées. Mon rêve continuait à parler. Je ne m'en souvenais plus en me redressant dans mon lit. Je ne m'en rappelle toujours pas. Mais une phrase - la dernière - résonnait toujours dans ma tête : « Tu dois te rendre au port de... » Quel port ? Un nom qui sonne comme Balzac, en plus rude; et ce n'est pas un auteur... « Tu dois te rendre au port de Barzakh ! »

Le troisième et dernier concours blanc de l'année commençait hier. J'ai presque honte, mais je ne trouve même plus le moyen de me mettre la pression. J'ai réussi à me retrouver une fois de plus major de promo sans vraiment rien faire pour. J'avoue qu'il y a quelque chose de jubilatoire à constater l'adresse avec laquelle je m'en tire toujours sans m'être préparée. Mais d'un autre côté, ça m'indiffère un peu. J'aurais pu être deuxième ou troisième, j'en aurais tiré exactement la même satisfaction.
Plus ça va, plus j'ai tendance à me mettre en position d'échec. Mais je m'en tire encore. Et cette fois-ci, je continue de m'embourber encore un peu. Avant, j'aimais juste cultiver une certaine paresse. Je savais que je finirais par faire ce que j'avais à faire. Ces derniers temps, j'ai laissé s'accumuler de plus en plus de retard. J'ai fini par renoncer à réviser.
Hier, l'épreuve d'anglais ne m'a pas donné trop de fil à retordre. Qui sait... peut-être que j'ai foiré. En vérité, je m'en fous. J'admets que le commentaire m'a pris de court. Il fallait quand même le faire, pour résoudre d'écrire une partie sur le rapport entre les dialogues du textes et la luminosité, et trouver le moyen d'écrire dans cette même partie : Walking in the woods by night with a wooden leg is not an easy ride... Et le pire, voyez-vous, c'est que ça m'a fait rire !

L'après-midi - largement grignotée - est passée fichtrement vite. Le temps file toujours quand je ne fais rien. En fait, si, je faisais quelque chose : je lisais le second volume de Death Note, gentiment prêté par une amie. Je me suis mise tardivement aux mangas et j'ai loupé quelques classiques. Aujourd'hui encore, les grosses licences ne m'intéressent pas des masses. Disons qu'au-delà d'un certains nombre de tomes ou d'épisodes, je renonce à me lancer dans une série que je n'aurai pas le courage de finir. Néanmoins, j'aime le sucre. Les pommes, ça n'a jamais été mon truc...
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Hier soir, j'ai cherché « Barzakh » sur Google.
Dans l'Islam, le Barzakh (littéralement "barrière"), le plus souvent interprété comme la barrière entre les mondes physique et spirituel est aussi une étape intermédiaire entre la vie et la mort. C'est là que les âmes attendent le Qiyamah (Jour de la Résurrection).
Ma position quant à la religion est toujours la même qu'en janvier de l'année dernière. Je ne crois en aucun Dieu particulier. En vérité, je crois en l'existence de forces qui nous dépassent. Que ce soit un Dieu ou autre chose, ça m'indiffère pas mal. Quand des parents ont un enfant, ça ne doit jamais être par intérêt : ça ne devrait jamais être pour toucher des allocations ou par espoir que ce dernier veillera sur leurs vieux jours. Quand on conçoit un être, c'est en sachant et en acceptant qu'il ne nous appartiendra jamais. Il en va de même avec les enfants de Dieu. S'il y a un Dieu, quelque part, et qu'il nous a créé, très bien. Mais il n'a pas dû le faire pour lui et il ne doit pas s'attendre à ce que je lui rende quelque grâce.
Cela étant dit, nul besoin de préciser que je n'ai pas ressenti le besoin de relier mon rêve au Coran. Il est vrai néanmoins que, n'ayant jamais ouvert ce livre et n'ayant pas connaissance du vocabulaire qui s'y trouve, je suis assez surprise que le mot « Barzakh », que je ne connaissais pas et que je ne me souviens pas avoir entendu où que ce soit, ait surgi dans mon rêve.
Le fait est que cette voix, dont je ne me remémore pas le timbre, m'a dit de me rendre dans un port. En digne admiratrice de Baudelaire - et ayant lu Philip Pullman dans ma jeunesse - je ne peux que faire le lien entre le port et la frontière de l'au-delà. Allez savoir si tout cela à un sens...

I

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l’œil ! "
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
" Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil !

Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques ! 
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques 
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?

Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son œil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

III

Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

Dites, qu'avez-vous vu ?

IV

" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

La gloire du soleil sur la mer violette, 
La gloire des cités dans le soleil couchant, 
Allumaient dans nos cœurs une ardeur inquiète 
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

Les plus riches cités, les plus grands paysages, 
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux 
De ceux que le hasard fait avec les nuages. 
Et toujours le désir nous rendait soucieux !

- La jouissance ajoute au désir de la force. 
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais, 
Cependant que grossit et durcit ton écorce, 
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !

Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace 
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin, 
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace, 
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !

Nous avons salué des idoles à trompe ; 
Des trônes constellés de joyaux lumineux ; 
Des palais ouvragés dont la féerique pompe 
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;

" Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ; 
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints, 
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. "

V

Et puis, et puis encore ?

VI

" Ô cerveaux enfantins ! 
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché

La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;

Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;

Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;

L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
" Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! "

Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. "

VII

Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le cœur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger

Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre cœur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "

A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
" Pour rafraîchir ton cœur nage vers ton Electre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

VIII

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

Charles BAUDELAIRE, « Le voyage ».
Octobus Girl by Lora-Zombie
C'est beau, de l'air. Le vent. Néant.
La sincérité est souvent plus piquante.
L'air est toujours aussi beau.

Histoire de rester dans le thème..



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